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À l'origine...

Le Roman de Renart est un recueil de récits composé entre le XIIème et XIIIème siècle par des auteurs différents et pour la plupart inconnus. À cette époque, la famine est un fléau ancré dans le quotidien des gens et chacun ne pense qu’à survivre et sauver sa famille. Satirique, le texte  raconte les multiples occasions où Renart le goupil, tenaillé par la faim, se nourrit aux dépens d’autrui. Il est astucieux et intelligent, jouant des tours à tous ceux qu’il croise : voisins, amis ou même famille…

 

Renart est souvent vu comme un personnage hypocrite, fourbe, perfide et faux. Mais il apparaît qu’il ne répond qu’à un besoin fondamental, vital, légitime à chacun et né de l’instinct de survie : manger. Alors dans ce contexte, où se situe la limite entre l’excusable et l’insupportable ? À partir de quand peut-on comprendre un acte et en excuser les conséquences pour autrui ? Et peut-on seulement condamner celui qui tente de survivre ?

 

Toutes deux mamans, le thème de la dure réalité de la faim, abordé dans l’œuvre, ainsi que la subsistance la femme de Renart et de leurs jeunes Renardeaux, a eu une résonance particulière pour Bérengère Gilberton et Sylvie Weissenbacher.

 

C’est en découvrant des antivols sur des barquettes contenant de la viande dans un supermarché que la décision de créer le spectacle du Roman de Renart est apparu comme une évidence.

Nous sommes habitués à voir ces dispositifs sur des appareils informatiques, des CDs, des vêtements… Mais constater que la viande – de la nourriture - fait désormais partie des choses que des personnes choisissent de voler….

Et nous ? Que ferions-nous dans des conditions moins « confortables » que la nôtre ? Jusqu’où serions-nous capable d’aller, poussés par la nécessité ? Peut-on condamner de la même manière une personne qui vole un objet de divertissement comme un CD et une personne qui vole un morceau de viande pour nourrir ses enfants ?

 

« A l'extrême, la fin, c'est-à-dire la réalisation même du projet, s'efface devant les moyens : la fin justifie les moyens et tous les moyens sont bons, c'est la réussite à tout prix, sans scrupule, voire au dépens d'autrui ».

(André Comte-Sponville

Petit traité des grandes vertus, 1995)

Nous vivons aujourd’hui dans une société « malade » où, sous couvert de « crise », on nous oblige à tout instant à penser que demain est incertain, et que nous devons nous préparer au pire.

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Notre société nous offre à observer l’étalage d’une abondance, superficielle, hors d’accès de la plupart et dans laquelle se complet une minorité.

C’est une violence inouïe, qui brise des vies, qui atteint les gens au plus profond de leur estime, et de leur fierté.

Cette abondance indécente d’un petit nombre installe sans doute un esprit de guerre des classes comme on la rencontrait au Moyen-Âge. Une scission de la population, non plus institutionnelle comme à l’époque, mais basée sur l’illusion d’exister à travers la consommation, la possession et l’assouvissement matériel d’un désir, engendrant une évidente violence née de la frustration.

Chacun se focalise sur son nombril, oblitérant un « vivre ensemble » nécessairement solidaire au profit d’un horizon recentré sur soi.

 

L’envie n’est donc pas, ici, de condamner Renart. Il est rusé, intelligent, et utilise ses atouts pour sa simple survie et celle de sa famille.

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Il n’est pas question non plus d’excuser ses actes, mais simplement de tenter de les comprendre et de les inscrire dans un contexte. A t’il raison ou tort d’agir ainsi ? Qui pourrait le dire… ?

 

Que feriez-vous à sa place ?

 

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